Nous nous en souviendrons ! Cette période totalement inédite, pour ne pas dire apocalyptique, que nous traversons va laisser des traces et comme le Premier ministre l’a récemment déclaré, « rien ne sera plus comme avant ». Si l’importance de l’humain et la valeur du partage ne peuvent qu’en sortir grandies, il n’est pas déplacé de penser que l’attachement au respect de notre environnement n’en sera que plus significatif. Mais il reste à savoir comment ce monde "d’après" va prendre forme ? Ainsi, ne devons-nous pas craindre à notre niveau que la nécessaire reprise économique n’affecte les modalités des procédures d’information et de participation du public qui ont fait l’objet de mesures restrictives ou de dispositions dérogatoires liées à l’état d’urgence déclaré et au confinement imposé pour lutter contre le covid19 ?
Nous sommes bien évidemment soucieux du redémarrage des activités et de la relance économique, mais leurs conditions ne peuvent s’effectuer, en tout état de cause, au détriment de l’organisation normale des procédures de démocratie participative.
Mais la CNCE a bien compris que ce n’était pas gagné !
En effet, compte tenu de l’importance de la crise économique et sociale qui commence à s’installer dans notre pays et à laquelle sont confrontés les pouvoirs publics, certains risquent de saisir l’occasion, ne nous leurrons pas, d’accomplir un travail méthodique de simplification, voire de suppression de textes législatifs ou réglementaires au motif qu’ils empêcheraient ou retarderaient le pays à se relever. Le travail de toilettage initié par Thierry Mandon et Guillaume Poitrinal en 2014 pourrait revenir au goût du jour et les procédures de consultation du public, concernant les projets, plans et programmes, risquent d’en faire les frais. Ce serait se tromper de cible et la crise que nous vivons ne peut constituer d’alibi à une telle "démarche".
Ces craintes sont aujourd’hui partagées par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), plusieurs associations environnementales comme France Nature Environnement, des juristes, des environnementalistes ou encore par des députés de tout bord. La CNCE ne peut, elle-même, rester "muette" et conformément à l’article 2 alinéa 1 de ses statuts, elle a choisi d’opter pour cette attitude ferme et mesurée qui la caractérise et d’accepter de signer le 30 avril 2020, un communiqué commun avec la CNDP (cliquez ici pour en prendre connaissance sur le site internet de la CNCE). Ce texte rentre fondamentalement dans le cadre des missions respectives de nos deux organisations. Il renvoie aussi avec force aux conclusions que nous avons pu tirer du colloque national que la CNCE a organisé avec succès le 4 mars dernier à Paris, sur le thème "Enquête publique et démocratie de proximité" (cf. article page 20).
Comme vous avez pu le constater, la CNCE n’a pas cessé ses activités durant la période du confinement. Si nos deux secrétaires ont été contraintes au télétravail, les membres du bureau ont continué à se réunir régulièrement par audio ou vidéo conférences. Le fonctionnement de notre association ne s’en est donc pas trop ressenti et les liens avec les adhérents et les compagnies territoriales n’ont pas été rompus. C’est grâce à ces adaptations que la CNCE a pu poursuivre la mise en forme de son nouveau site et réaliser l’édition du présent bulletin. Ce numéro constitue une première puisqu’il vous est exceptionnellement adressé uniquement par voie numérique, son impression ayant été rendue impossible par la situation liée au covid-19. D'ailleurs votre avis sur cette nouvelle formule nous intéresse.
Une seule entrave au fonctionnement habituel de notre compagnie doit cependant être signalée : la crise sanitaire nous ayant obligés à annuler notre assemblée générale annuelle qui devait se dérouler le 13 mai prochain à Nancy, il a été convenu de la reporter au 18 novembre à Paris et de remettre notre déplacement en Lorraine au printemps 2021. Je tiens donc à remercier l’équipe du bureau national d’avoir accepté de prolonger leurs fonctions jusqu’à la fin de l’année. Leur investissement et leur énergie déployés au service de notre fédération méritent d’être applaudis.
Enfin, je terminerai en précisant que durant les dernières semaines, la vigilance de la CNCE s’est essentiellement focalisée, en lien avec le Commissariat général au développement durable, sur le suivi et l’analyse des ordonnances et décrets ayant rapport avec les enquêtes publiques, cœur de notre mission.
À ce jour, nous pouvons confirmer que les enquêtes publiques interrompues ou reportées (à l’exception de celles prévues dans le décret du 15 avril 2020 cité ci-dessus), ou les prochaines à conduire, pourront (à l'heure de rédaction de cet édito !) reprendre dès le 1er juin, mais selon des modalités qui devront prendre en compte la mise en œuvre d’un déconfinement progressif et différencié selon les territoires. Sans nul doute, il va falloir s’organiser au cas par cas. L’objet de l’enquête, les lieux d’enquête, le maître d’ouvrage etc. vont assurément devoir être pris en considération et nécessiter du "sur mesure" pour assurer au mieux l’information et l’expression du public. Le rôle actif des commissaires enquêteurs sera fondamental dans la phase de concertation avec les autorités organisatrices pour garantir ce droit à la participation du public. Nous travaillons actuellement à définir et lister des outils et modalités de participation du public qui devront être compatibles avec les mesures barrières arrêtées, le contexte local et l’importance de maintenir une part de présentiel dans l’organisation des procédures d’enquêtes publiques. La généralisation de la participation numérique ne saurait être retenue, mais nous avons bien conscience que chaque commissaire enquêteur risque d’être confronté à des situations particulières et il devra alors faire preuve d’un travail de persuasion sans pareil, d’autant qu’aucun d’entre nous ne devra prendre des risques inconsidérés qui mettraient sa santé en péril ! Il importe que chacun trouve une oreille attentive, un appui, ou simplement un conseil au sein des compagnies territoriales. Je rappellerai que c’est dans cet esprit de solidarité et d’aide mutuelle que notre association a été créée en 1986. Je suis convaincue que c’est dans cette optique que nous devrons reprendre nos missions et que nous montrerons la place essentielle qu’occupe le commissaire enquêteur dans une enquête publique modernisée, garantissant à la fois l’information et la participation du public.
Nous devons tous rester en ordre de bataille. La CNCE a besoin de vos adhésions pour continuer à fonctionner, être entendue et remplir ses objectifs avec détermination et audace. C’est ainsi que nous ferons-fi de tout ce climat de morosité qu’engendre cette crise du covid-9. Gardons l’esprit positif.
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